PARIS — Entre Marine Le Pen, la quadragénaire « pragmatique » et Bruno
Gollnisch, incarnation d’une extrême droite beaucoup plus
traditionnelle, deux visions différentes et pas forcément
complémentaires du Front national vont s’affronter pour succéder à
Jean-Marie Le Pen.
Le chef historique du FN, qui a présidé le parti depuis 1972, est descendu dans l’arène cette semaine pour afficher sans ambiguïté sa préférence pour sa fille, dans un entretien à France Soir.
Pour le politologue et spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus, ce soutien de poids intervient « plus tôt que prévu » et « traduit incontestablement un rapport de force qui est peut-être moins large que prévu » en faveur de Marine Le Pen, considérée comme favorite.
A mesure que l’ouverture officielle de la campagne approche (1er septembre), deux stratégies et deux visions bien distinctes du FN semblent en tout cas se mettre en place pour convaincre les adhérents.
Marine Le Pen profite de sa médiatisation. L’ancienne avocate âgée de 41 ans se considère déjà en « pré-campagne » pour la présidentielle de 2012 et veut montrer qu’elle est la mieux placée pour représenter son parti lors de ce rendez-vous. Très réactive sur l’actualité, elle cherche aussi à montrer qu’elle est la seule à pouvoir renouveler l’image du parti, à le
« dédiaboliser », tout en restant ferme sur les fondamentaux comme l’immigration et l’insécurité.
« Marine n’est pas abîmée par les polémiques sur la Seconde guerre mondiale. Elle sera inattaquable sur ces sujets, ni par les médias, ni par nos adversaires », soulignait récemment, dans une lettre de soutien à la candidate, un secrétaire national du parti, Dominique Martin.
Dans cette bataille d’image, Bruno Gollnisch, 60 ans, se distingue en répétant, interview après interview, qu’il ne cèdera rien à la « police de la pensée ». Sans adopter publiquement leur discours, l’ancien député (1986-1988) ne récuse aucun de ses soutiens, parmi lesquels figure Rivarol, l’un des plus vieux hebdomadaires d’extrême droite qui a récemment fait sa « une » sur une prétendue « ère de la judéocentrie ».
Proche des catholiques traditionalistes, il participera également à la mi-juillet aux
universités d’été de Renaissance catholique, une organisation qui milite, entre autres, pour l’abolition de l’avortement. Là aussi, le message est clair face à Marine Le Pen, qui insiste très régulièrement sur la laïcité dans ses interventions.
Vieux compagnon de route de Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch se pose aussi en rassembleur, notamment à l’égard de ses anciens amis du Front national qui ont quitté
le parti ces dernières années et dont certains, comme Carl Lang (Parti de la France), ne portent pas Marine Le Pen dans leur coeur.
Pour le politologue Jean-Yves Camus, il y a là « une tentative qui peut s’avérer habile de rassembler tous ceux qui par idéologie ou sociologie résistent au changement » du Front national que semble incarner la fille de Jean-Marie Le Pen.
Le chef historique ne semble pas apprécier cette stratégie. « Le problème de Gollnisch, c’est que ses amis sont extérieurs au Front, parce qu’ils l’ont quitté », a notamment déclaré
Jean-Marie Le Pen dans France Soir.
Sur le coup, Bruno Gollnisch n’a pas souhaité réagir, mais il a prévu de s’exprimer vendredi lors d’une conférence de presse en bonne et due forme au siège du parti, à
Nanterre.
Source: AFP